1,2,3 Robin des bois

Voici la critique de Robin des bois que j’ai écrit pour le magazine en ligne MadmoiZelle.fr!

Robin des bois, Ridley Scott (2010)

Un film de Ridley Scott, c’est toujours délicat. Capable du meilleur comme du pire, une chose est sûre, avec lui on ne sait pas à quoi s’attendre, si ce n’est à un blockbuster, surtout depuis Gladiator. Ce qui est sûr aussi c’est qu’il ne lâche plus son petit Russell Crowe, et on aurait du mal à lui en vouloir. Avec Robin des bois, on retrouve Russell en guerrier valeureux et musclé et ça fait toujours plaisir. Pour l’occasion, le Grand Rex projette le film dans sa mythique grande salle (si vous n’avez jamais vu le baisser de rideau sous fond de BO de 2001 vous avez vraiment raté quelque chose) et c’est ce qui m’a finalement décidée à prendre le risque de voir un mauvais Ridley Scott. Ce qui fut globalement le cas.

Alors que le réalisateur s’inquiète visiblement du niveau intellectuel du spectateur moyen, dont il a apparemment une vision plutôt pessimiste, et qu’il prend la peine de nous expliquer plusieurs fois les lieux pour être bien sûr de ne perdre personne en cours de route, il n’est en revanche pas très clair sur son parti pris. Plusieurs cartons visent à situer le récit dans le temps et dans l’espace, la situation politique est bien (trop ?) expliquée et pourtant un simple « Robin est devenu un hors-la-loi pour avoir défendu le faible contre le fort » est censé nous faire comprendre que l’ami Ridley a voulu faire un « Robin des bois origins ». Pour être honnête, la traduction est peut-être la seule en cause, le Grand Rex ne passant que des VF j’ai fait une entorse à mon propre règlement, néanmoins le fait est que l’on attend en vain que l’histoire de Robin Longstride finisse et que celle de Robin des bois commence. Premier problème.

Bien que plutôt efficace, Robin des bois présente également un second problème, et il n’est pas des moindres, c’est que l’on voit réalisé un des plus grands cauchemars du cinéphile : l’usage systématique et non-ironique du cliché et de la situation stéréotypée. Certains procédés aussi bien scénaristiques qu’esthétiques sont tellement usés qu’ils provoquent le rire plus que l’émotion. Par exemple, on voit bien que Ridley Scott voulait à tous prix nous montrer le torse de Russell Crowe (et on l’en remercie), mais au lieu de chercher à créer la surprise, il reprend la sempiternelle scène du bain offert au voyageur, ah mais sa côte de maille est trop dure à enlever alors Cate Blanchett ne peux-tu pas l’aider parce que les domestiques sont parties. Deux en un : scène de (presque) nu avec en prime le début de l’histoire d’amour, impossible de résister aux charmes du gladiateur une fois que l’on a vu ses pectoraux. Ce qui en dit long aussi sur la représentation de la femme dans ce film, conventionnelle à mourir. Derrière ses airs de femmes forte et indépendante qui vit depuis dix ans sans mari, Marianne n’est en fait pas plus moderne qu’une vulgaire Blanche-Neige. Ridley Scott va jusqu’à lui refuser sa vengeance, elle est sur le champ de bataille, à deux doigts de l’obtenir mais non, il faut que la brute épaisse qu’est son prince charmant la sauve des griffes du méchant qui avait évidemment le dessus. Pour ensuite la réveiller d’un baiser fougueux. La scène de la bataille finale est d’ailleurs la plus décevante et la plus ridicule avec ses ralentis sur Russell Crowe sortant de l’eau et assénant des coups de marteau (sic) sur ses ennemis, les méchants Français. Tout cela se termine sur le drapeau français coulant dans la Manche, symbole à peine pesant de la victoire anglaise.

Deux images valent cependant le détour, tout d’abord le générique de fin, un dessin animé qui montre surtout des scènes de guerre lors des croisades et qui est tout simplement magnifique et beaucoup plus émouvant que le film lui-même. La deuxième se situe à l’autre extrémité, au tout début du film. Dans la forêt de Nottingham, des orphelins vivent en dehors de la société et volent du grain pendant la nuit. Ils portent des masques pour se cacher, mais en réalité cela ressemble plus à un apparat de guerre. Ces enfants masqués courant dans la pénombre et dans la forêt ont presque l’air de porter des masques à gaz, ce qui crée une scène très troublante, très belle, dont le souvenir est plombé par la comparaison étrange et ridicule entre l’attaque navale du roi de France et le débarquement de juin 44, en accord avec la lourdeur globale du film. Ce n’est que dans la dernière minute du film que Robin rejoint enfin les bois, trop tard, tout le monde est déjà parti.

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