Boom, boom, boom

Kaboom, Gregg Araki (2010)

Le grand retour d’Araki qui aime se faire désirer. D’autant plus que ces deux derniers films, qu’on aime ou pas, étaient une sorte de « détour » après sa trilogie « Teen Apocalypse » (Totally F**ed up, The Doom Generation et Nowhere ) dans les années 90. Gregg Araki reprend cette fois sa plume pour renouer avec un cinéma plus personnel qui reprend les grands thèmes de la suscitée trilogie : adolescence, drogue, sexe, quête identitaire et apocalypse.

L’histoire commence sans grandes surprise pour un campus américain : Smith est un jeune adulte d’à peine 18 ans, fraîchement débarqué à la fac, qui fantasme sur son colocataire Thor, couche avec une petite nymphette répondant au nom de London et traîne avec sa meilleure amie Stella. Depuis qu’il est arrivé, il a un rêve récurrent qui l’inquiète sans l’obséder. Jusqu’au soir où, sous l’emprise d’un space-cookie, il voit la jeune fille de son rêve, qu’il n’avait jamais rencontré éveillé, se faire assassiner plutôt brutalement par des hommes aux masques d’animaux. Commence alors une enquête plus ou moins adroite, menée avant tout par des forces de plus en plus mystérieuses.

Le paranormal et l’étrange qui au début du film sont clairement confinés dans le monde du rêve ou du fantasme, en sortent petit à petit, débordent sur le monde réel de façon si subtile qu’on se retrouve à la fin du film dans le totalement n’importe quoi sans trop savoir comment on est arrivé là ni à quel moment ça a basculé. Gregg Araki cultive très bien l’esthétique du bizarre, même si il dérape un peu dans le ridicule par moment il se rattrape toujours à son univers halluciné. Le réalisateur cite David Lynch comme inspiration pour ce film, et c’est peut-être d’avoir lu la note d’intention juste avant de voir le film mais à un moment à la toute fin du film, on se croirait dans Lost Highway ou dans Twin Peaks, les couleurs, l’autoroute, l’ambiance renvoient clairement à l’univers Lynchien. C’est le même genre d’angoisse que l’on ressent dans Kaboom, la sensation d’avoir été floué sur le genre du film, d’avoir perdu tout repère. Ce qui commence comme un teen-movie drôle mais classique se transforme petit à petit en film apocalyptique où les théories de conspiration gouvernent la logique.

Si certains effets sont un peu douteux, surtout ceux qui visent à mettre en scène la magie et qui semblent provenir tout d’un droit d’un mauvais téléfilm sur les sorcières, le reste de la mise en scène est éclatante de couleur, la musique est jouissive, les personnages sont bien écrits, les dialogues sont justes et drôles. On sent une grande nostalgie de la part du réalisateur face à un âge si libre, si ouvert, où tout est possible et surtout où l’on est ouvert aux aventures, à la folie, au chaos. Malgré sa fin apocalyptique, il s’agit surtout d’une ode à la jeunesse, à cet âge qui est si vite passé. On en ressort totalement sonné, déboussolé mais surtout remonté à bloc par cette explosion, ces explosions des sens.

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